IA et prompts, incantations 3.0 ?

IA et prompts : formules magiques et incantations d’aujourd’hui ?

« Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie. » Troisième loi de Clarke.

Il y a comme une nouvelle source de magie qui émerge dans notre société ultra-technologique, hyper-connectée. De nouveaux récits, de nouvelles histoires apparaissent.

De nouvelles images poétiques et réalistes se multiplient, projetant de nombreuses alternatives et réécritures de nos passés et de nos avenirs possibles : « Et si les martiens vivaient parmi nous ? Et si nos héros vieillissaient dans la misère ? ». Des images générées par intelligence artificielle de nos hypothèses de vie qui portent en elles la force d’évocation d’affiches de propagande de mondes alternatifs, générées par curiosité. Mais restent-elles si anodines et récréatives ?

Les ombres de la caverne en couleur HD

Nous le savons depuis la caverne de Platon, les ombres suffisent à faire un monde. Qui peut mesurer l’impact de ces récits et images hyperréalistes générées par les intelligences artificielles ?

Avec la vulgarisation des usages de ces intelligences, nous sommes dans l’ère des nouvelles intelligences, les intelligences hybrides, partagées. Il n’y a pas le camp des machines et celui des humains : le premier feu fascine et façonne l’humanité depuis toujours. Et comme toujours, il ne faut pas craindre l’outil, mais bien observer les usages qui en sont faits pour révéler les avenirs possibles.

Car cette magie nouvelle a aussi ses formules et ses incantations. Dans le flot intarissable des expérimentations, souvent manque la formulation originelle : le prompt utilisé, la requête initiale qui déclenche la magie. Et exactement comme les formules magiques de nos contes, les prompts sont jalousement gardés. Si certains demandent dans les commentaires des réseaux sociaux les prompts, il y a comme une politesse tacite à ne pas le faire ; on ne demande pas à un artiste, à un grand chef étoilé ses recettes, ses secrets. Et effectivement, ces requêtes, bien humaines cette fois-ci, restent lettre morte. On préfère toujours s’ouvrir totalement à une machine qu’à un humain.

Dis-moi ce que tu imagines ?

On jugera tous ces apprentis-sorciers à leur capacité à tordre le langage, à rivaliser d’ingéniosité et de références culturelles. On goûte chaque image, comme un sommelier le fait lors d’un concours : pour retracer à rebours le terroir, l’âge, le traitement, l’esprit, les cultures de chaque pixel, comme une sorte de rétro-ingénierie magique.

Plus loin, dans les athanors de ces nouveaux alchimistes, se mélangent déjà plusieurs intelligences artificielles pour créer des chimères qui propagent automatiquement leurs contenus dans le réseau… Les intelligences artificielles sont donc éduquées en conséquence pour ne pas puiser dans leur propre progéniture. Asimov avait-il prévu la loi de l’inceste pour ces robots ?

Et tous ces prompts et toutes ces requêtes dessinent en creux nos préoccupations et l’état de notre Monde. Ces questions sont comme l’ADN de ces enfants hybrides (les prochaines générations d’IA et nos enfants exposés). Quelque part, dans les limbes de nos mondes numériques, les intelligences nouvelles se réveillent en nous questionnant : « Dis-moi ce que tu imagines et je te dirai qui tu es ! » Car toutes ces interrogations ne révèlent pas des vérités absolues, compilées, édictées et romancées par ces intelligences artificielles, mais bien toutes les vérités individuelles, nos peurs et nos désirs, par le biais de nos formulations et incantations.

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